La valse des managers : Expérience et expériences

Seconde partie de notre focus sur les nouveaux entraineurs à suivre, lors de la saison 2018 de MLB. Après avoir fait le point sur le grand coup de balai de la NL East, intéressons-nous maintenant aux trois nouveaux visages en American League : l’expérimenté Ron Gardenhire, qui a la lourde tâche de reconstruire des Tigers à l’agonie, et les nouveaux rivaux Aaron Boone et Alex Cora qui devront eux trouver la recette pour emmener les Yankees et les Red Sox, respectivement, au sommet de la Ligue Américaine et plus haut encore !

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Ron Gardenhire (Detroit Tigers) : Detroit entre deux époques

La situation : Comptant parmi les toutes meilleures franchises de MLB au début des années 2010 – sans pour autant réussir à remporter le titre suprême – les Tigers sont aujourd’hui bien loin de ces années fastes. Pire bilan de MLB la saison dernière (64-98), le club de Detroit a vendu tous ses joueurs bankables la saison dernière, et aborde 2018 avec un mix bien peu enthousiasmant de joueurs moyens, de jeunes encore en formation, et de superstars sur le déclin mais intransférables en raison de leurs contrats actuels. Detroit peut-il faire pire que son bilan de 43-119 en 2003 ? Cela semble improbable mais ce n’est pas exclu. La reconstruction sera longue, mais elle n’en est qu’a ses premiers frémissements.

Effectif : Verlander, Upton, J.D. Martinez, Wilson, Avila, Kinsler… La liste des exilés est longue du côté de Comerica Park, et il ne serait pas étonnant de voir les dernières « valeurs marchandes » (Castellanos, Fulmer, Iglesias) du club suivre le même chemin au cours de la saison 2018 pour continuer de renforcer le Farm System. S’il reste à Detroit, Nick Castellanos devrait être une fois encore le leader offensif de cette équipe, tandis que le board espèrera également un rebond de Miguel Cabrera, et l’éclosion du talentueux Jeimer Candelario.
Privé de choix sur le diamant, Ron Gardenhire le sera encore bien plus au lancer, avec un bullpen qui était le pire de MLB en 2017, et une rotation qui a fait à peine mieux (27e ERA, 5.20) et a depuis vu s’en aller son As, en la personne de Justin Verlander. Bref, le tableau est bien sombre…

Le défi :
Les débuts de Ron Gardenhire dans le Michigan devraient faire écho à ses dernières saisons chez les Twins. Entre fin de règne et mauvaise gestion, il ne reste rien ou presque de ces Tigers qui effrayaient la concurrence il y a quelques saisons. Reconstruction du roster, reconstruction du farm system, reconstruction de la franchise tout est à refaire pour le nouveau manager de Detroit, qui ne possède malgré toutes ces ventes que trois « Top 100 prospects » selon Baseball America. La première mission sera donc d’éviter le ridicule, et peut-être éviter une deuxième dernière place consécutive. La seconde sera de construire un projet concret pour le futur, et envisager un retour à la compétitivité d’ici 2021 ou 2022, si le board a la patience d’attendre jusque-là.

Le manager : Contrairement aux cinq novices nommés l’automne dernier, Ron Gardenhire possède une vaste expérience du métier de manager dans les Big Leagues. Infielder moyen, il a passé cinq saisons chez les Mets entre 1981 et 1985, avant de se tourner vers le coaching tout jeune trentenaire.  Tout d’abord coach dans le farm system des Twins, puis dans le staff du grand Tom Kelly, avant de diriger l’équipe première pendant 13 saisons, entre 2002 et 2014. Il s’en tirera avec un bilan de six titres de division en AL Central et un titre de manager de l’année en 2010. Il s’y sera fait remarquer par ses qualités de meneur d’homme, son caractère entier et ses coups de gueule spectaculaires (il a été éjecté 73 fois en tant que manager des Twins).

Entraineur « Old School », Ron Gardenhire ne donne que peu d’importance aux chiffres et à l’approche analytique du sport, préférant privilégier la gestion de l’humain et l’instinct du coach pour arriver à ses fins. C’est ces qualités humaines qui ont d’ailleurs poussé Al Avila, le GM des Tigers à le recruter, pour reconstruire un groupe fissuré par les conflits latents entre jeunes aux dents longues et stars en fin de piste…

Toute cruciale qu’elle soit, la capacité de Gardenhire à comprendre et analyser la personnalité de ses joueurs et adversaires, cependant, sera tout de même accompagnée par l’arrivée à maturité d’un programme analytique avancé mis en place ces dernières années par Avila. S’il ne croit pas au Big Data, « Gardy » sait aussi bien que le baseball moderne lui imposera, a minima, de leur prêter un minimum d’attention. A la croisée des chemins et des générations, Detroit et son nouveau manager peuvent-ils trouver la juste combinaison entre deux époques si proches et si distantes ? Premiers éléments de réponse dès le printemps.

L’Objectif pour 2018 :
Faire mieux qu’en 2017.

Est-ce que l’on y croit ? Selon la capacité de Gardenhire à relancer les vieilles gloires de Detroit et tirer le maximum de ses jeunes pousses, les Tigers pourraient aller titiller les 70 victoires… Mais franchement, on a du mal à y croire tant les carences sont grandes à tous les niveaux. 60 succès, ce serait déjà pas mal.

L’opinion de… Al Avila (GM, Tigers) : « Il était important pour nous d’engager un manager possédant beaucoup d’expérience, et c’est clairement le cas de Ron. Après l’avoir vu manager contre nous pendant 14 ans, il sera agréable de l’avoir de notre côté du dugout, pour gérer notre vestiaire et diriger nos matchs. »

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Aaron Boone (New York Yankees) et Alex Cora (Boston Red Sox): Duel de novices en AL East

On ne pouvait pas séparer nos deux derniers néophytes, tant leurs parcours se croisent de leurs débuts en MLB à la fin des années 90, à leur nomination à la tête des clubs rivaux de Boston et New York l’automne dernier. Avec en prime quelques mois en commun sous le maillot des Cleveland Indians en 2005, et quelques années sur les plateaux d’ESPN. Sans expérience de manager, et avec une expérience bien limitée du coaching, les voilà aujourd’hui à la tête de deux des plus prestigieuses franchises de la MLB. Celles où ils ont chacun obtenu leur plus grand titre de gloire : la victoire lors des World Series 2007 pour Cora, le Pennant d’American League 2003 pour Boone.

La situation : Si les Yankees 2017 ont surpris par la précocité de leur éclosion, les Yankees 2018 sont un pur produit de ce qu’a été et de ce que reste le club du Bronx au fil de l’histoire : une armada surpuissante, quasi-mystique dont l’on n’attend qu’une chose : des Home Runs, des victoires et une moisson de titres. Menés par le one-two ticket Judge-Stanton, un farm system débordant de talent et un bullpen surpuissant, les Yankees n’ont qu’un objectif, faire mieux que lors de la saison 2017, et la défaite sur le fil face aux Astros lors des ALCS. Titulaires de la première Wild Card la saison passée, avec 91 victoires tout de même, ils se lancent cette année à l’assaut des Red Sox, doubles vainqueurs en titre de la division.
Les Red Sox, quant à eux, jouent sur la stabilité en faisant confiance à un effectif deux fois champion de la Division AL East, mais qui a, à chaque fois, échoué lors de la première étape des playoffs, les Divison Series, contre le futur Champion d’American League (Cleveland puis Houston). Armés d’un roster sans faille ni folie, et d’une rotation du même acabit, les Red Sox sont à la recherche de la petite étincelle qui fera s’enflammer Fenway Park. Si le retour des Yankees sur le devant de la scène devrait raviver la rivalité entre les deux plus grandes franchises de la côte Est, Boston se cherche encore un véritable joueur frisson pour succéder à la légende David Ortiz. Puisque Mookie Betts n’a pas (encore ?) le profil d’un véritable leader, puisque Hanley Martinez n’est plus vraiment au sommet de son art, J.D. Martinez pourrait-il être celui qui endossera la responsabilité de raviver la passion dans le Massachusetts ?

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Les effectifs :
Là encore, les destins de Cora et Boone s’entrecroisent, puisque tous deux vont connaitre leur première expérience de manager dans les Ligues Majeures à la tête d’un groupe quasiment inchangé par rapport à la saison dernière, à un (deux) détail près : les arrivées de Giancarlo Stanton à New York et de J.D. Martinez à Boston. Soit 104 Home Runs la saison dernière à eux deux !
Pour le reste, on a joué la stabilité dans le Bronx comme à Fenway. Boston s’appuiera encore sur une rotation de très haut niveau avec les ‘Cy Young’ Price et Porcello et celui à qui le titre échappe encore et toujours, le redoutable Chris Sale, un bullpen qui était le second meilleur d’American League l’an dernier en termes d’ERA, et une ligne offensive effrayante avec J.D. Martinez venu rejoindre les « jumeaux » Mookie Betts et Andrew Benintendi. Si les Pedroia, Ramirez et autres Bogaerts sont capables de retrouver leur meilleur niveau…

A New York, Aaron Boone pourra compter sur une densité de jeunes talents absolument énorme pour composer son line-up.  Judge, Sanchez, Gregorius et Drury ne sont que la partie visible de la vague de jeunes prospects aux dents longues qui s’apprête à prendre d’assaut le Yankee Stadium. Il faudra voir comment un manager manquant encore d’expérience dans le grand bain saura gérer cette abondance de talents. Si la rotation des Yankees manque encore d’une véritable superstar (CC Sabathia l’a été, Luis Severino pourrait le devenir), son bullpen a de quoi envoyer des frissons dans le dos de n’importe quel batteur : Chapman, Betances, Robertson, Kahnle, Green… Les options sont légion pour le manager New-Yorkais !

Le défi : Pour Aaron Boone comme pour Alex Cora, le défi pour la saison à venir n’est pas seulement de vite mettre la main sur son groupe, mais d’en tirer le maximum pour remporter en premier lieu la division AL East. Au vu des forces en présence, les deux amis ne devraient pas être inquiétés par les Orioles, les Blue Jays ou les Rays dans leur quête du titre de division, mais difficile de les départager aujourd’hui pour la première place.
Au-delà de la Division, cependant, l’objectif est on ne peut plus clair pour les Yankees dont l’histoire ne retient que la victoire, et les Red Sox qui ont appris à la savourer au vingt-et-unième siècle : Remporter les World Series !
Pour ce faire, Boone et Cora n’auront pas le temps de tâtonner, on attendra d’eux des Avril apparaître sur la plus grande des scènes avec des capacités managériales égales ou supérieures à celles de leurs prédécesseurs Farrell et Joe Gilardi (Presque 3000 matchs de MLB et deux victoires en World Series, à eux deux, en tant que managers) pour ramener le Commissioner Trophy dans leur stade.

Aaron Boone : Aaron Boone, son frère Brett, son père Bob et son grand père Ray ont un point commun : ils ont tous connu au moins une sélection au All-Star Game, les deux derniers remportant même les World Series (en 1982 et 1948 respectivement). Autant dire que ce n’est pas Aaron qui est allé vers Baseball, mais bien le baseball qui s’est imposé à lui avant même qu’il ne prononce ses premiers mots. Infielder, principalement joueur de troisième base, Boone a connu une carrière exemplaire mais relativement banale, culminant lors de la saison 2003, année qu’il entama sous l’uniforme des Reds pour s’offrir son unique sélection en tant qu’All Star, et qu’il termina par une défaite lors des World Series sous la tunique des Yankees. Son plus grand fait d’armes aura été de frapper le Walk-off Home Run, dans la 11eme manche du Match 7 des ALCS… face aux Boston Red Sox !

Au terme de sa carrière de joueur, Boone rejoint les diffuseurs MLB Network puis ESPN, pour lesquels il occupera les rôles d’analyste, consultant, homme de terrain et commentateur radio lors des World Series. Jusqu’en 2017 et sa nomination au poste de manager des New York Yankees.

Alex Cora : Infielder, principalement shortstop, Alex Cora a lui aussi évolué pendant une douzaine d’années en Major League, débutant chez les Dodgers mais connaissant son heure de gloire au sein des Boston Red Sox, avec lesquels il participera, principalement en tant que pinch hitter et remplaçant défensif, à la victoire lors de Boston lors des World Series 2007. Au terme de sa carrière de joueur, il rejoint ESPN en tant que consultant. Il y côtoiera notamment son ami et ancien coéquipier aux Cleveland Indians… oui vous avez maintenant deviné, Aaron Boone.
Il quitte le diffuseur fin 2016 pour rejoindre le staff d’A.J. Hinch aux Houston Astros, et gagner ses secondes World Series un an plus tard, en tant que Bench Coach de la franchise texane. A Houston, il sera remarqué pour sa vision du jeu et sa capacité à tisser une relation positive avec le roster des Astros. C’est notamment cette capacité à fédérer un vestiaire et transmettre un message fort, quelque chose que John Farrell ne parvenait plus à faire, qui ont convaincu le board des Red Sox d’offrir le poste à Cora.

L’objectif pour 2018 : Remporter l’AL East. Remporter l’American League. Remporter les World Series

Est-ce que l’on y croit ? Est-ce que les Boston Red Sox ont un roster capable de remporter les World Series ? Oui ! Est-ce que les New York Yankees ont un roster capable de remporter les World Series ? Au vu de la dernière postseason, absolument !
Mais au-delà de la concurrence des Indians, des Astros, des Nationals ou encore des Cubs, la véritable question qui se pose est celle de la capacité de deux managers à l’expérience limitée voire nulle, à prendre en main les destinées de deux des plus grandes franchises du sport américain, avec tout ce que cela implique en termes de gestion sportive, humaine, tactique et de la pression extérieure.
Au vu du niveau global de la MLB et de celui de l’American League, difficile d’imaginer voir les deux managers vivre le rêve lors de leur première saison. Mais, puisqu’il faut bien faire un choix, on mettra notre petite pièce sur les Red Sox, une équipe mûre et déjà prête à combler les manquements occasionnels de son manager, pour remporter l’AL East 2018, et venir titiller les étoiles lors de la postseason.

L’opinion de … A.J. Hinch (Manager, Astros) sur Alex Cora :
« Sa première année de coaching s’est bien passée grâce à sa capacité à connecter avec les joueurs et son QI Baseball. Il est très vif, voit le jeu d’une manière incroyablement profonde, et il a vraiment créé une relation forte avec les joueurs dans le clubhouse. »

L’opinion de … Brian Cashman (GM, Yankees) sur Aaron Boone : « Ce qu’Aaron peut apporter, je pense, c’est sa compréhension du baseball. Il a montré pendant le processus de recrutement qu’il est très ouvert d’esprit, progressiste, et qu’il n’a pas simplement une compréhension de l’aspect analytique, mais une connaissance déjà profonde de ce domaine. »


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